Meurtres à la cour du prince Genji

de Seio Nagao

Livre 122 (roman) : Meurtres à la cour du Prince Genji de Seio Nagao aux éditions Picquier poche (316 pages) 🇯🇵 Lecture d’octobre 2020

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Résumé de 4e de couverture :

« C’est sous un orage fracassant, sous une pluie battante que commence cet extraordinaire roman policier dans lequel les criminels ne se découvriront qu’à l’ultime rebondissement d’une enquête allant, de cruauté en folie érotique, un train d’enfer dans le palais impérial, à la cour de Heian, dans le Japon du XIe siècle.
Dans les jardins raffinés, derrière les éventails, les paravents et le flot sinueux des longues chevelures noires des femmes, dans le labyrinthe des galeries, tout n’est que peur, intrigues, empoisonnements, inceste et magie noire. L’enquête de Dame Murasaki, l’auteur même du Dit du Genji – chef-d’œuvre de la littérature japonaise – nous entraîne dans le dédale mystérieux d’un Japon vieux de près de mille ans. »

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Mon avis :

Comme certains commencent à le comprendre maintenant, je suis passionnée par l’Asie et sa culture. Bien que je connaisse plus la littérature chinoise, je m’intéresse aussi aux autres pays comme le Japon ici. J’avais déjà entendu parler de la fresque littéraire de Murasaki Shikibu, Le Dit de Genji, écrite au IXe siècle. Dans ce roman fleuve de 1500 pages, cette dame de cour présente la société hiérarchisée à la Cour de l’Empereur du Japon, de la dynastie des Heian (VIIIe-XIIe siècle). Elle y dresse le portrait du Prince Genji, fils de l’Empereur, qui n’est pas prince héritier. Il est présenté comme un homme exceptionnel, doté des plus grandes qualités. C’est pourtant un charmeur invétéré auprès de la gent féminine, ce qui lui attire pas mal d’ennuis. Présentée comme une histoire vraie, on dit que l’autrice se serait également inspirée d’un autre homme, un ministre réputé du nom de Fujiwara no Michinaga.

Seio Nagao s’attaque à revisiter ce classique de la littérature japonaise, d’un point de vue policier, en glissant des meurtres plus que sordides. Il prend à témoin le lecteur et l’entraîne à sa suite dans les intrigues du harem impérial. Calqué sur celui de l’Empereur chinois, il ne manque pas de rebondissements et de coups bas.

Ayant récemment regardé une série coréenne Empress Ki, mettant en scène les intrigues de la Cour de l’Empereur de Chine, sous la dynastie des Heian, j’étais curieuse de m’immerger dans un contexte similaire. J’ai beaucoup aimé retrouver certaines manigances des concubines impériales.

Un livre très agréable à lire et qui plaira aux adeptes des romans policiers, aux amateurs de fictions historiques et d’Asie.

Ma note : 16/20

Les + :

Un hommage au roman Le Dit de Genji et à son autrice Murasaki Shikibu : Dans ce livre, Seio Nagao rend hommage à l’autrice du classique littéraire japonais Le Dit de Genji d’une double manière. La première, reprenant les personnages et le cadre de l’œuvre de Murasaki Shikibu, et en les impliquant dans une série de meurtres. La deuxième, en intégrant l’autrice comme personnage à part entière du récit. Après tout, quand elle a rédigé cette œuvre, elle était dame de Cour. C’est donc une belle et juste façon de la présenter, elle qui s’efface derrière sa plume. Elle joue d’ailleurs un rôle important dans l’histoire, même si je ne peux pas vous en dire plus, au risque de vous gâcher la surprise.

Des personnages torturés : Seio Nagao reprend les personnages créés par Murasaki Shikibu, que ce soit le prince Genji, son père l’Empereur, et plusieurs femmes de la Cour comme Belle du soir, la dame du clos aux glycines, la dame du clos aux paulawnias, dame Kokiden et les ministres de Droite et de Gauche. D’autres n’apparaissent pas ou voient leur identité changer, comme la fille du ministre de Gauche, dame Aoi, nommée dans ce récit la Princesse Mauve. Tous sont des personnages torturés par un lourd passé ou des émotions trop lourdes à contenir. Ainsi, le prince Genji doit grandir en sachant que sa mère a été assassinée, les concubines revêtent un masque de hideur quand elles sont délaissés par l’Empereur ou leur amant. D’autres doivent lutter contre leurs démons intérieurs. La psychologie est au centre de ce récit et permet d’interroger les actes en eux-mêmes et la responsabilité des personnages. Leur caractère loin d’être lisse revêt un intérêt plus important pour le lecteur et permet de dépeindre une réalité plus immersive, plus vivante et vraie.

Des intrigues palpitantes dignes d’un bon roman policier : Les intrigues ne manquent pas à la Cour du prince Genji, qu’elles soient politiques ou sentimentales. Dans les deux cas, l’une et l’autre ne sont jamais tellement éloignées. La série de meurtres ne manque pas d’originalité dans son exécution, et les rebondissements concernant la personne responsable tiennent le lecteur en haleine jusqu’à la fin de l’histoire. En ce sens, l’enquête policière dans un cadre historique médiéval constitue une vraie réussite !

Un portrait dressé de la société japonaise de la dynastie Heian : Le roman de Seio Nagao permet également de dresser un portrait fidèle de la société japonaise à l’époque de la dynastie Heian. Et force est de constater que cette Cour impériale ressemble beaucoup à celle de l’Empereur de Chine. Elle s’est beaucoup inspirée de sa hiérarchie et de son fonctionnement, avec notamment le double ministériat autour de l’Empereur (Ministre de Gauche et de Droite). Les décors, les vêtements, les modes de vie, la religion bouddhiste, tout est fait pour faire vivre le Japon du XIe siècle. L’expérience est très plaisante. J’avais l’impression de déambuler dans le palais impérial. J’ai beaucoup aimé la référence aux esprits malins et pernicieux, parfois invoquée par les concubines pour jeter un sort à leur ennemie.

La fin : La fin est très bien écrite, avec la force d’introduire un ultime rebondissement sur l’enquête policière et des précisions sur celle qui est devenue l’autrice du Dit de Genji. J’ai aimé le clin d’œil à son époux dans le livre qui porte le même prénom que le ministre dont elle se serait inspirée en partie pour écrire son récit.

Les – :

La longueur des chapitres : Parmi les freins à la lecture, les chapitres sont un vrai handicap, puisqu’ils sont très longs (parfois plus de 80 pages). Je déteste arrêter ma lecture en plein milieu d’un chapitre. De fait, il m’a fallu parfois attendre pour avancer le livre que je disposais d’assez de temps pour lire un chapitre entier.

Les noms japonais pour les non-initiés : Autre difficulté qui peut se poser à la lecture, ce sont les noms des protagonistes. Pour les lecteurs non habitués aux noms à consonance asiatique, cela peut perturber et être difficile à retenir. Même pour les lecteurs initiés à la culture asiatique, il faut un temps de décantation pour bien retenir l’identité des personnages. La difficulté supplémentaire dans ce récit, et qu’on retrouve apparemment dans Le Dit de Genji, c’est que presque tous les personnages ont une double identité : leur nom et leur titre. Souvent, ils sont appelés par leur titre. Mais dans l’intimité, il arrive que ce soit leur nom qui prime. Cela peut rajouter une difficulté supplémentaire à la lecture.

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Bilan :

Une lecture très plaisante qui plonge au cœur du Japon médiéval (dynastie des Heian) dans l’actuelle ville de Kyoto. L’auteur rend hommage à un des classiques les plus populaires du Japon, écrit par une femme nommé Murasaki Shikibu : Le Dit de Genji. Ici, il la met en scène dans les intrigues de la Cour impériale. Une enquête policière sur fond historique pour une belle entrée en matière avant la lecture, un jour, du grand classique littéraire japonais ! Je compte bien essayer de m’y atteler. Après tout, je lis déjà la fresque historique chinoise La Pérégrination vers l’Ouest de Wu Cheng’En qui compte 3000 pages en tout !

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