Saga Sous le vent de la liberté (T1, T2, T3)

de Christian Léourier

Livres 124, 125, 126 (romans) : Saga Sous le vent de la liberté, T1, T2, T3 de Christian Léourier aux éditions Bayard jeunesse (1287 pages) 🇫🇷 Lecture d’octobre 2020

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Résumé de la saga :

La saga Sous le vent de la liberté raconte l’histoire de Jean de Kervadec entre 1780 et 1793. Spolié de son héritage à la mort de son père par son oncle et un négociant, il s’embarque pour l’Amérique, afin de retrouver son frère aîné, Yves. Il espère ainsi récupérer la propriété familiale et épouser la femme qu’il aime, Maria Le Dantec. Mais les choses ne se passent pas comme il l’imagine.

Jean de Kervadec entraîne le lecteur dans son long périple à travers le monde pendant 13 ans. Son voyage est ponctué d’aventures rocambolesques sur fond historique.

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Mon avis :

Il y a quelques mois, j’avais lu La Lyre et le glaive, T1 : Le diseur de mots, de Christian Léourier (chronique ici : https://unebulledefantasy.wordpress.com/2020/08/08/la-lyre-et-le-glaive-t1-diseur-de-mots/). Cette première approche avec l’auteur m’avait déjà convaincue d’une chose : son style me plaisait énormément. J’avais effectivement déjà constaté qu’il disposait d’un vocabulaire très riche et parfois assez recherché. Il faut savoir que c’est une qualité que j’adore découvrir dans mes lectures. C’est d’ailleurs une des raisons qui me poussent à adorer la plume d’un autre auteur : Jean-Philippe Jaworski. Bref, il me fallait confirmer cette première impression. J’ai donc épluché la bibliographie de l’auteur et j’ai découvert qu’il avait écrit cette saga historique destinée à la jeunesse, il y a 15 ans. Je n’en avais jamais entendu parlé, ce qui est assez incroyable quand on pense que le XVIIIe siècle constitue ma période historique préférée. Ce n’est pas pour rien que j’ai fait mon mémoire de master sur la Révolution française.

Je me suis donc plongée avec curiosité et passion dans le premier tome de la saga Sous le vent de la liberté. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai été soufflée par la qualité de ce récit, par son audace, sa fraîcheur et son incroyable justesse. Un vent d’enchantement qui m’a poussée à dévorer la saga en deux semaines à peine.

Mes notes : T1 : 18/20 / T2 : 20/20/ T3 : 20/20

Les + :

La plume de Christian Léourier : Bien entendu, ce qui rend le récit passionnant, c’est la magnifique plume de Christian Léourier qui a l’art de tourner les phrases et d’utiliser un vocabulaire riche, varié et juste. Je n’avais pas du tout l’impression de lire un roman jeunesse. J’ai adoré pouvoir m’extasier devant certains passages à la lecture, m’arrêter pour lire ou relire une phrase. La façon dont il mène le récit est absolument captivante. Il parvient à faire vivre les actions de ses personnages. J’ai notamment beaucoup apprécié le travail de recherche sur le vocabulaire des voiliers. J’évoquais Jean-Philippe Jaworski tout à l’heure ; cela m’a rappelé le début de son livre Gagner la guerre, où il avait usé de tout un vocabulaire maritime qui renforçait le degré de réalisme du récit. Plus le lecteur avance dans la saga Sous le vent de la liberté, plus l’immersion est totale, et plus l’écriture atteint un niveau de perfection.

Les personnages : Les personnages font aussi la force de cette saga. Christian Léourier ne tombe pas dans le cliché parfois éculé des romans destinés à la jeunesse, qui consiste à tourner autour d’un manichéisme peu réaliste. Ici, au contraire, le lecteur suit une évolution dans la perception des personnages à travers le regard de Jean de Kervadec (le personnage principal). En effet, il grandit, devenant peu à peu un homme, et sa vision de ses pairs s’en trouve modifiée. Ceux qu’il présentait comme des hommes sans scrupules et cruels s’avèrent finalement très différents, et inversement. L’auteur parvient à décrire ses personnages avec justesse, les montrant tantôt avec leurs défauts et leurs faiblesses, tantôt avec leurs qualités et leurs forces, les rendant humains en quelque sorte. Il offre ainsi un prisme large au lecteur, lui permettant de se constituer son propre avis sur les personnages et de ne pas se forger une opinion toute conçue ou trop facile. Des personnages complexes et difficiles à cerner, qui permettent aux lecteurs de croire à l’histoire, de s’y attacher ou non.

La plongée dans le XVIIIe siècle et les événements historiques : La plus grande qualité de la saga Sous le vent de la liberté est sans aucun doute l’immersion parfaite dans le tourbillon des événements historiques de la fin du XVIIIe siècle. Je vous ai confié plus haut ma passion pour cette période. Je ne pensais pas lire un jour une saga fiction aussi bien écrite, aussi passionnante sur ces événements. Je suis obligée d’encenser l’auteur pour le travail gigantesque de recherches qu’il a dû mener pour écrire ces trois livres. La lecture de cette saga a été un véritable ravissement pour la lectrice passionnée d’Histoire que je suis.

Non seulement, Christian Léourier entraîne le lecteur en Amérique, au cœur de la Révolution américaine, et dresse un tableau de la situation sur place (combats, nouvelles villes, économie entre trappeurs et populations autochtones amérindiennes), mais il va bien plus loin et explore une grande partie du monde au XVIIIe siècle. Ainsi, il parvient à dépeindre avec habileté les villes florissantes françaises liées au commerce triangulaire, le fonctionnement cruel des négriers le long des côtes africaines, les balbutiements des réflexions concernant la liberté et l’abolition de l’esclavage, les enjeux du commerce maritime entre l’Europe et l’Asie, et bien d’autres thématiques. J’ai été agréablement surprise quand le récit a amené Jean de Kervadec en Inde et dans l’Océan Indien. J’ai trouvé que Christian Léourier avait une sacrée audace d’aller explorer cette partie du monde à cette époque. C’était vraiment magique et très réaliste. C’est une des parties qui m’a peut-être le plus impressionnée, puisque je sais que les sources du XVIIIe siècle sur cette région du monde sont plus rares et difficiles à trouver pour se documenter. Il fallait oser ! Même chose pour l’immersion au cœur de la révolte des esclaves sur l’île de Saint-Domingue. C’était incroyable de vivre cet événement de l’intérieur, de comprendre les deux groupes en conflit, de retrouver des personnages historiques réels comme Toussaint-Louverture.

Enfin, je salue encore une fois l’audace de l’auteur d’avoir osé ancrer une partie de son récit au cœur des événements de la Révolution française. Non seulement son personnage vit les journées révolutionnaires de l’intérieur, mais il participe également aux événements (ex : La prise des Tuileries du 10 août 1792), usant de sa plume comme beaucoup de gens de son époque, commentant les événements, donnant son avis, rencontrant de vrais personnages historiques (Robespierre, La Fayette), etc. J’ai cru un moment que Jean de Kervadec allait rencontrer Louis XVI, et je dois dire que j’ai eu des frissons pendant le passage où il accompagnait La Fayette aux Tuileries. De même, j’ai adoré vivre la Prise des Tuileries de l’intérieur et les massacres de septembre, notamment, mais surtout d’avoir évoqué la fuite du roi à Varennes et d’être allé jusqu’au jour de sa mort, le 21 janvier 1793, journée également funeste pour son personnage principal.

La Révolution française n’est pas une époque facile à comprendre et à retranscrire. Néanmoins, une fois encore, Christian Léourier parvient à user de son génie pour rendre le récit réaliste, passionnant et compréhensible. Il balaye de vastes problématiques, comme la fuite des émigrés, la question des prêtres réfractaires, les conflits entre les révolutionnaires. Le fait que Jean de Kervadec ait une origine noble permet de nuancer une fois encore un possible manichéisme retors entre des gentils qui seraient forcément les gens du peuple, et des méchants qui seraient tous des nobles ou des prêtres réfractaires. Au contraire, l’auteur parvient à faire interroger son lecteur sur la notion même de révolutionnaire et lui offre une définition pluridimensionnelle. On peut être un noble et avoir des idées révolutionnaires. On peut être un prêtre réfractaire et néanmoins avoir du cœur, aimer le peuple et être d’accord avec certaines idées nouvelles. Christian Léourier propose donc dans cette saga un récit tout en nuances qui s’imbrique parfaitement dans les bouleversements économiques, politiques, sociaux et culturels d’une époque où les sociétés se retrouvent animées d’un vent de liberté.

Les – :

Quelques points négatifs qui expliquent que j’ai un peu baissé ma note dans le tome 1 :

Quelques longueurs dans le tome 1 : Le passage de Jean de Kervadec en Amérique a souffert de quelques longueurs, notamment le long voyage du personnage vers le Canada jusqu’à son séjour parmi les Iroquois. J’ai trouvé qu’à ce moment précis, le récit peinait à retrouver un nouveau souffle. Heureusement, cela n’a pas duré.

Quelques coquilles historiques : Malgré l’énorme travail de recherches historiques sur la période effectué par l’auteur, j’ai relevé quelques coquilles mineures. Impossible de lui en tenir véritablement rigueur, quand on sait l’audace dont il a fait preuve pour écrire cette saga et proposer un spectre de compréhension aussi large sur cette période historique. Surtout que certains renouvellements historiographiques en étaient encore à leurs balbutiements, il y a 15 ans. Notamment  tout ce qui concerne le personnage de Louis XVI. Christian Léourier le présente malheureusement dans les clichés qui lui sont souvent associés, et qui sont de plus en plus remis en question par les historiens de la période. Je pense à la fuite de Varennes sur laquelle j’ai travaillé pour mon mémoire, et sur laquelle je me suis beaucoup documentée, mais aussi à l’image globale du roi Louis XVI en général. Cependant, je remercie quand même l’auteur de m’avoir fait vibrer dans son histoire, en évoquant le roi et toute cette période. En lisant sa saga, j’avais l’impression d’être une enfant en extase devant une vitrine de jouets.

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Bilan :

Vous l’aurez sans doute compris, Sous le vent de la liberté est une excellente saga de fiction historique jeunesse que j’ai vraiment adorée. Elle est à la fois très bien documentée et incroyablement bien écrite. La plume de Christian Léourier permet une véritable immersion dans la fin du XVIIIe siècle, entre France et Amérique, Afrique et Asie. Le lecteur en prend plein les sens, porté par le récit passionnant de la vie de Jean de Kervadec au cœur des bouleversements politiques, économiques, sociaux et culturels des années 1780 à 1793. Une saga qui questionne l’esclavage, le colonialisme et les valeurs de liberté et d’égalité avec justesse. Un récit fascinant et foisonnant de détails qui enthousiasmera les passionnés d’Histoire, mais aussi les amateurs d’aventures en mer ou sur terre. Une plume superbe à découvrir d’urgence. Je recommande cette saga !

8 commentaires

  1. Merci de cette chronique 🙂 Ça faisait une éternité que je n’avais pas lu cette saga ! Je me rappelle que j’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans le tome 1 (j’ai dû m’y reprendre deux fois), mais ensuite, j’étais aspirée dans l’histoire ! Tu me donnes envie de la relire…
    D’ailleurs, j’ai eu la chance de rencontrer l’auteur dans le cadre de mes études ! C’est quelqu’un de très humble et de très gentil 🙂

    Aimé par 1 personne

    • Ohh, je suis contente que ça t’ait donné envie de la relire 🙂 Merci beaucoup pour ton message ! C’est vrai que le tome 1 est plus lent que les autres, mais cette saga est vraiment incroyable prise dans sa totalité. Je trouve, hélas, qu’on n’en entend pas assez parlé.
      C’est génial si tu as pu rencontrer l’auteur. J’espère pouvoir échanger avec lui dans un salon un jour. J’aimerais vraiment savoir comment il a travaillé sur cette saga. Je reste impressionnée par la somme de recherches qu’il a dû effectuer.

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